Scénarios pour un futur des musées à l’heure du web 3.0

Le musée en passion

Chez bem.builders, nous avons les musées en passion. Qu’ils soient colossaux, ou plus discrets, nous adorons ces lieux et nous les fréquentons avec assiduités.

Notre amour des lieux de culture et notre appétence pour les mondes virtuels et les technologies du web3.0 nous à pousser à explorer les champs croisés entre ces deux univers. Nous l’avons fait l’an dernier pour la première fois dans Cryptovoxel pour une exposition avec le magazine Exhibition et l’artiste Aurèce Vettier. Depuis, nous n’avons de cesse de nous questionner sur comment nous pourrions réinventer les pratiques muséales à l’heure du multivers et prochainement du métavers. Nous imaginons des expériences d’alpinisme pour raconter la montagne ou encore des systèmes de scénographie kaléidoscopiques pour pénétrer les mondes minéraux !

Pour imaginer le futur du musée dans le Métavers nous avons beaucoup recours à l’écriture et aux récits de fiction. Nous souhaitions vous en partager quelques-uns plutôt que de rédiger un article long sur notre vision du musée dans 3 ans.
C’est aussi une manière de vous montrer comment nous fonctionnons au sein de l’agence, loin de penser en masse des collections PFP, nous travaillons au corps des imaginaires plausibles pour des expériences à long terme.

Bonne lecture et n’hésitez pas à nous donner vous aussi votre vision pour ces futurs !

Disclaimer : ces scénarios sont des fictions et n’existent pas, aucun des acteurs cités ici n’a été consulté lors de leur rédaction.

Etude pour une fondation d’art, Adrien Mouginot pour bem.builder

 

 

Scénario 1 — Les réserves virtuelles : Un art vernaculaire des multiverse et de la blockchain

Vue de l’interface du logiciel CNAP.360 https://www.cnap.fr/360/

 Depuis maintenant un an, Minecraft, The Sandbox, Roblox, Cryptovoxel et Décentraland on prit l’initiative à travers un fond de sauvegarde d’archiver les constructions faites par les joueurs dans leurs mondes.
L’archive se fait sur des terrains non soumis à la vente et sacralisés comme des « réserves virtuelles » où il n’est pas possible de modifier les créations des joueurs.
Dans ces lieux étranges il y a de tout : des épées en voxel, des bâtiments flottants, des sculptures et des skins. Cette taxonomie nouvelle des objets des mondes virtuels n’est pas née toute seule, elle à nécessité l’aide d’anthropologues des multivers et de spécialistes des cultures numériques.
Aujourd’hui certains des musées les plus importants du monde jouent un rôle important dans l’organisation de cette archive de l’UGC. C’est le cas du MUCEM à Marseille, qui a dédié toute une équipe à cela. Via un même site internet, ils proposent à leurs visiteurs des expositions sans cesse renouvelées d’art des différents mondes virtuels. Ils ont même participé à la création d’un wallet unique qui englobe les différents accès aux différentes « réserves virtuelles ». 

 

Tout le monde créé en ligne, que ce soit des images, des bâtiments ou même des skins. Demain, l’accès aux outils qui vulgarisent la création sera de plus en plus grands et il ne sera pas plus compliqué de concevoir sa nouvelle épée que de créer une image sur l’application Canva.
Dans quelques temps, nous allons voir émerger des styles et des tendances — rappelez-vous de la frénésie autour de la Redstone et des modèles complexes dans Minecraft — un peu comme cela à pu se passer dans la construction des courants architecturaux passés. Un peu comme nous avons le chalet savoyard, la maison provençale (même si ce sont des objets très romancés) nous aurons des bâtiments typiques ou des schèmas répétitif propre à chacun des multiverse. On peut déjà constater cela quand on regarde le style appliqué aux bâtiments de crypto voxel et celui appliqué aux bâtiments de The Sandbox. 

Dans le même geste que celui qu’ont pu avoir André Leroi-Gourhan ou Georges Henry Rivière, nous allons devoir enregistrer ces gestes et techniques créatives pour en garder trace : ils font partie des sociétés modernes. Cela ouvre là voie à une nouvelle section des musées ethnographiques, une voie surement plus incertaine et expérimentale ainsi qu’à de nouveaux types d’expositions et de parcours muséals.

 

Les différentes ressources ayant servies à construire ce scénario : 

 

 

Scénario 2 : Curation et navigation comme des pratiques muséales

Constellation de liens dans le logiciel Obsidian

Depuis le début, depuis que j’ai un ordinateur, je navigue dans internet. Je navigue et je laisse ouvert mes onglets dans mon navigateur. Depuis que j’ai un smartphone je fais défiler dans un carrousel cet ensemble de fiche dans un mouvement hypnotique, une balade potentielle dans des pages déjà explorées.
Dedans, comme dans un herbier numérique, il y a de tout. Autant de l’art, que des images, des liens, des pages Wikipedia et toute autre chose trouvée ici et là. Je crois qu’on est nombreux à avoir cette fascination pour une navigation qui accumule, qui laisse comme une traînée derrière soit.
Plus ma pratique a augmenté avec le temps plus j’ai pris plaisir à trouver de nouvelles formes pour lui donner corps : des collages sur des pages HTML vide, sorte de feuilles blanche virtuelles, un espace are.na, des threads sur Twitter et tout un tas d’autres trucs. Puis récemment j’ai trouvé un outil curieux : « The Red line blockchain » : c’est un outil qui permet d’enregistrer une suite de liens et d’objets avec un ordre précis et des balises pour créer des narrations virtuelles très poussées. Une fois que le fil rouge est créé, le service propose de le minter dans la blockchain pour enregistrer la date de sa création ainsi que le caractère unique de cette association d’éléments qui m’est personnelle !
En plus de ça ils prévoient d’enregistrer une copie du contenu des liens listés pour pouvoir les consulter à n’importe quel moment même si le site vient à disparaître.
Depuis que j’utilise ce service je vois bien la compétition discrète qui se joue entre les différents collecteurs comme moi. Il y a un véritable travail d’archéologie pour exhumer des ressources uniques et un véritable chantier de scénographie pour créer une navigation remarquable, nouvelle et riche de sens. C’est comme tisser la plus belle toile dans la toile. Il y a même de véritables artistes de cette pratique, des magiciens. Hier encore le Palais de Tokyo, par sa nouvelle structure d’achat fractionné d’art a fait l’acquisition de le RedLine#120389 pour un prix colossal. C’est drôle de voir que mes flâneries numériques ont le potentiel de se retrouver un jour dans un musée.

 

À une époque ou trop de contenu est produit, nous sommes submergés par une grande quantité d’articles, de vidéos, de newsletter, etc. Dans cet amas d’information certains naviguent avec aisance, sélectionnant les sources, organisant le flux, triant le bon grain de livrai. L’extrapolation de cette pratique mène à de véritables constructions d’objets numériques. En même temps c’est cela internet : un amas de liens qui se redirigent entre eux. Dans ce contexte l’émergence d’expert de la curation en ligne apparaît comme évidente, autant que pu l’être celle d’un expert des archives par le passé. Si tentées que les productions issues de la curation de ces personnes tendent à prendre des formes extrêmement raffinées, on pourrait même y voir là un art à part entière.
Depuis quelques années les possibilités de choix des entrées qui peuvent être ajoutées à ces systèmes de liens deviennent de plus en plus grandes : Les musées digitalisent leurs collections, l’art sous forme de NFT se consolide, les jeux en ligne transforment leurs modèles pour être accessibles en temps réels, etc. Demain, lorsque l’on fouillera dans nos historiques de navigation ils représenteront une image fidèle de ce potentiel.

 
 

 

Scénario 3 : Nouvelle dynamique de collection (fragmentation et accès distribués)

Discours aux associés

 Nous sommes extrêmement heureux de vous compter parmi nous aujourd’hui pour cette avant-première. 
Demain s’ouvre l’espace d’exposition d’art contemporain des mondes virtuels de notre fondation. Pour créer la collection il a été décidé d’un nouveau système d’achat des œuvres. L’équipe de recherche et acquisition de la fondation et moi-même souhaitions faire un point pour expliquer à tous comment nous avons procédé dans cette expérimentation.

Nous savions qu’il allait être difficile de nous y retrouver dans un milieu que nous ne connaissions que de manière parcellaire, c’est pour cela que dans un premier temps nous avons mis en place une équipe de poissons pilotes : des utilisateurs de ces mondes virtuels ayant pour mission de repérer pour nous les constructions et les œuvres des joueurs ou même les moments d’anthologie (Live Twitch, etc.). Ces derniers, associés à notre équipe ont constitué un fond riche et précis, ancré dans la culture d’internet et des mondes virtuels.

Pour récompenser ce travail nous avons décidé de bloquer lors de l’acquisition de l’œuvre par la fondation un fragment de la valeur de cette dernière, (financé par la fondation) pour la personne l’ayant découverte.
 Pour le reste de l’acquisition nous avons procédé de manière peu conventionnelle : La fondation acquiert une partie de l’œuvre, une autre partie du capital de cette dernière est ouverte à des investisseurs privés, à nos mécènes. Une autre partie de l’œuvre est réservée au public du musée et est divisée en parts très abordables. Enfin, l’artiste derrière l’œuvre — qu’il soit anonyme ou nom — possède lui aussi une partie des parts.

 L’investissement financier dans des œuvres de notre collection d’art numérique contemporain des mondes virtuels donne droit à un certain volume de notre Token. Toutes les ventes liées à cette exposition seront divisées selon la répartition des tokens entre les différents acquéreurs. Cela nous permet de créer un engagement à long terme entre toutes les personnes qui gravitent autour de notre musée.

 Pour accompagner cette expérience nous avons mis en place une suite d’outils pour récompenser toutes ces personnes. Nous avons créé des visites exclusives, des présentations d’artistes, mais le plus étonnant — et cela nous dépasse nous devons bien l’avouer — c’est l’ampleur que prend le serveur Discord créé pour coordonner les opérations. Tous les membres s’y croisent, et l’ouverture d’une nouvelle séance d’acquisition donne lieu à une véritable frénésie tant et si bien que le serveur à trouver ses acteurs majeurs. Ces derniers jouent par leur expertise riche le rôle de curateur et organisent la recherche. Nous sommes épatés par cela. Demain nous envisageons de laisser la collection s’autogérer en nous retirant de la partie curatoriale.

 

Les musées, en subissant la concurrence d’autres médias et expériences plus participatives, souffrent d’une image de lieu parfois hermétique. Il est vrai que certains sont d’énormes machines aux rouages précis et bien huilés, mais opaques. Avec ce scénario nous souhaitions explorer une manière de partager la ressource (les œuvres), de mettre en commun ce travail d’archive et de construction du savoir. Ce geste collectif nous permet d’envisager un musée plus ouvert et plus transparent. Il nous permet aussi d’entrevoir un musée où les visiteurs se font aussi curateurs, et où les mécènes se mêlent à tous et aux artistes.
Cette curation partagée nous permet également d’entrevoir une nouvelle manière de choisir ce qui est de l’ordre du musée, dans une dimension horizontale, sans jugement d’expertise ou de position sociale. Viens qui veut dans le programme de poisson pilotes, et l’acquisition d’une part peut se faire à très bas prix pour certaines œuvres.
Pour une fois la tokenisation se retrouve dans une portée plus sociale que ce que nous avons l’habitude de voir !

 

Les différentes ressources ayant service à construire ce scènario :

Merci pour votre lecture !

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